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Coronavirus – Hydroxychloroquine : faut-il croire au traitement miracle ?

Le président américain Donald Trump a déclaré y voir potentiellement « une des plus grosses révolutions dans l’histoire de la médecine ». Et un essai clinique a été lancé dimanche 22 mars, notamment en France, pour la tester sur des centaines de personnes infectées par le coronavirus. Son nom barbare est aujourd’hui sur toutes les lèvres : hydroxychloroquine. Décryptage.

 

Cette molécule, habituellement prescrite sous le nom commercial de Plaquenil pour traiter certaines maladies auto-immunes (polyarthrite rhumatoïde et lupus érythémateux) et pour prévenir des formes d’allergies au soleil, doit sa renommée actuelle au professeur Didier Raoult. Ce dernier, directeur de l’Institut hospitalo-universitaire Méditerranée Infection, à Marseille, en est convaincu : la molécule peut, selon lui, traiter certaines infections au Covid-19.

Une conviction basée initialement sur les résultats d’essais cliniques menés en Chine avec une molécule proche, la chloroquine (un antipaludique), ainsi que sur deux tests in vitro (en tubes à essai, et non pas sur des animaux ou des patients), cette fois avec l’hydroxychloroquine. L’équipe du Pr Didier Raoult a elle-même, par la suite, mené un premier essai de traitement par hydroxychloroquine sur 24 patients, dont les résultats ont été révélés dans une vidéo diffusée le 16 mars dernier sur le site de l’IHU Méditerranée Infection : « Au bout de six jours, il y a toujours 90 % de patients qui sont porteurs [du coronavirus, ndlr], tandis que quand vous mettez du Plaquénil, au bout de six jours il n’y en a plus que 25 % », décrit le médecin, qui ajoute peu après que « si vous n’avez plus de microbe, vous êtes sauvé ».

La communauté médicale se montre cependant très prudente dans l’interprétation des résultats de cette étude, qui inclut un faible nombre de patients, et souffre d’une méthodologie peu rigoureuse : « Les patients du groupe témoin [sans hydroxychloroquine, ndlr] semblent avoir été recrutés de façon très différente de ceux du groupe hydroxychloroquine, ce qui rend la comparaison peu pertinente », écrit par exemple la revue médicale Prescrire. Dans sa vidéo, le PDidier Raoult explique en effet que les patients traités par Paquénil avaient été pris en charge par ses équipes, à Marseille, alors que les patients non traités auxquels ils ont été comparés avaient été admis dans les hôpitaux de Nice et Avignon. Au final, « jamais aucun pays au monde n’a accordé une autorisation de traitement sur la base d’une étude comme celle-ci », rappelait le ministre de la Santé Olivier Véran lors d’une conférence de presse.

DE NOUVEAUX ESSAIS LANCÉS

Pour savoir si l’utilisation de l’hydroxychloroquine est non seulement sans danger, mais peut véritablement sauver des vies dans la crise sanitaire actuelle, il faudra donc attendre les résultats d’essais cliniques plus rigoureux et de plus grande ampleur, qui viennent d’être lancés. Un essai européen, baptisé Discovery, qui vise à tester l’efficacité de cette molécule mais aussi de trois autres traitements médicamenteux (lire encadré), sur 3 200 patients (dont 800 en France) ; et un essai international, lancé par l’OMS et baptisé Solidarity, qui testera les mêmes molécules, ainsi que la chloroquine. « Nous aurons des études solides qui nous diront si, oui ou non, c’est un bon traitement d’ici à 15 jours », a déclaré Olivier Véran, samedi 21 mars.

En attendant ces résultats, le Haut Conseil de la santé publique recommande de ne pas utiliser ce traitement, « à l’exception de formes graves, hospitalières, sur décision collégiale des médecins et sous surveillance médicale stricte ». Une précaution qui s’explique probablement par le fait que, comme le rappelle le Dr Cyril Vidal, médecin et président du collectif FakeMed, qui promeut une médecine basée sur des preuves scientifiques, « utiliser un traitement inutile fait courir le risque d’exposer l’ensemble de la population à des effets indésirables, et de mettre en péril les recommandations d’hygiène pour prévenir la diffusion de l’épidémie […], ce qui est plus grave si le traitement s’avère inefficace ».

QUID DES AUTRES MOLÉCULES ?

Une combinaison de deux traitements du VIH, avec ou sans ajout d’un immunomodulateur, et un traitement expérimental initialement développé contre Ebola : voilà les trois traitements médicamenteux qui vont être testés sur des centaines, voire des milliers de patients à travers le monde, dans les prochaines semaines, en parallèle de la chloroquine et de l’hydroxychloroquine. Tous ont d’ores et déjà montré une efficacité lors de tests in vitro, et fait l’objet de premiers essais cliniques de taille plus modeste. Plusieurs essais de vaccins préventifs ont également été lancés dans le monde, mais les premiers résultats n’arriveront pas avant plusieurs mois.

 

Elsa Abdoun